Au fil de l’eau

Croisière sur le Mékong

Le Mékong offre son cours majestueux depuis Siemreap jusqu’à son embouchure, le delta du Mékong, appelé Neuf Dragons au Vietnam. Pour visiter cette région, le bateau est indispensable. Souvent on y va en voiture et visite en bateau. Mais une autre solution pour les voyageurs qui ont du temps est de le monter ou d’en descendre en bateaux de croisière. Un hasard m’a mis dans les cabines du Jayavarman qui remonte le Mékong de Saigon à Phnompenh (je m’arrête en route, le bateau remonte le Tonle sap jusqu’aux temples d’Angkor).

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20 mars 16

Appartenant à la compagnie Heritage Line, Jayavarman, ce joli bateau de croisière porte le nom d’un des rois les plus connus de l’Empire Angkor à son apogée. Nous devons embarquer à My tho et non pas à Ho Chi Minh ville car le niveau de l’eau est un peu bas pour cette fin de saison sèche et en règle générale les compagnies évitent de faire ce trajet en bateau à cause de nombreux ponts qui jalonnent le parcours.

Nous voilà partir pour une aventure de quatre à sept jours où tout est fait pour qu’on ressente l’atmosphère d’il y a cent ans au temps des colonies. A commencer par la décoration des cabines avec tout ou presque en esprit vintage. Ici les portes de l’armoire en cannage, là la tête de lit ou encore les robinets en bronze pané…, le moindre détail est conçu pour montrer la recherche du temps perdu. Le bateau a quatre ponts dont deux sont réservés aux cabines, un pour le restaurant et le bar et le dernier est dédié à la minuscule piscine à remous et les transats. Un petit en-cas nous attend au bar, aussitôt servi après le petit discours de bienvenue du directeur de croisière, un Indonésien, entouré par son équipe composant de réceptionnistes malais, hommes et femmes au service de chambres cambodgiennes ou encore la cuisine avec chef cambodgien et brigade mixte, cette semaine ils ont la visite d’un chef français à bord, en plus. Les marins et le capitaine, eux, sont Vietnamien. Nous naviguons tout l’après-midi. Je m’installe sur une transat pour compter les bacs remplis de sable qui descendent vers la mer, à une centaine de kilomètres d’ici. L’activité d’exploitation de sable sur le Mékong est très développée, fait accentué par le manque d’eau à cause des barrages construits et surtout gérés un peu n’importe comment en amont. Nous sommes à environ cent kilomètres de la mer, en cette fin de saison sèche du mois de mars, l’eau a le goût du sel. Ce qui n’est absolument pas normal et très néfaste pour les plantations de riz du delta. Je m’étais dit qu’il ferai mieux de planter des salicornes et élever des moutons de prés salés comme en Baie de Somme ou la Baie de Saint Malo, le revenu sera nettement meilleur. A cent kilomètres de l’embouchure, on observe toujours deux marées par jour ici. Ce qui explique un peu les pilotis où se posent les maisonnettes perchées au bord de l’eau.

Arrive l’heure du dîner, un buffet exquis nous attend avec un bel assortiment de salades qu’il est impossible de toutes nommer ici, ainsi que quelques plats cuisinés avec  l’amour. Deux superbes soupes au soir et ce sera ainsi tous les jours que ce soit en buffet ou en dîner servi à table. Un petit plateau de fromage précède le buffet de dessert bien fourni en douceurs européennes et asiatiques. Je suis rentrée dans ma cabine, le lit est fait. Un petit moment de repli dans le calme avec la lune comme l’unique compagne sur le balcon et voilà la fin de la première journée. On ancre dans les environs de Cai bè. La pleine lune est à D-3.

Il fait jour très tôt, vers 5h du matin et ça me change du crachin du printemps de Ha nôi. Le soleil se lève, l’air chaud se fait déjà sentir. Un rapide tour sur le pont piscine pour voir les compagnons de voyage pendant leur cours de Taichi, avant de m’esquiver pour me réfugier sur le balcon de ma cabine. C’est la grande mode, toutes les croisières au Vietnam vous le proposent, y compris celles sur la baie d’Halong. Je préfère mille fois fixer le courant et les grands bateaux transporteurs de sable qui descendent vers la mer. L’heure de l’excursion du matin est sonnée. Nous partons pour visiter le marché flottant de Cai Bè, marché au gros où l’on regarde l’avant du bateau pour savoir ce qu’il vend, car un échantillon de sa marchandise est suspendu sur un poteau en bambou. Après une courte promenade en nous faufilant parmi ces gros bateaux ventrus, nous accostons à un atelier de fabrication des douceurs traditionnelles où l’on nous montre leur secret de fabrication. L’excursion continue par une balade dans ce petit village où ils vivent exclusivement du tissage de natte et de la pêche. On a bien papoté avec une dame gardienne d’un temple qui vénère le génie protecteur du village, ainsi qu’avec la tisseuse des nattes.

Retour à l’ambiance feutré et nostalgique des temps coloniaux au bateau, on a pris un déjeuner avant de repartir pour l’excursion dans l’après-midi, cette fois-ci dans un de nombreux élevages de poissons sur le Mékong. C’est l’embarquement et nous remontons le fleuve à destination de la frontière cambodgienne.

Nous avons navigué une grande partie de la nuit, il me semble car l’on ne s’en rend pas bien compte entre le dîner, le cours de cuisine et le temps de revoir « Indochine » dans la bibliothèque. A cinq heures du matin, il fait déjà jour. En ouvrant les rideaux, je vois marquer en grosses lettres Ville de Tân Châu sur un mur des berges. Nous sommes à la dernière ville vietnamienne avant la frontière avec le Cambodge. Un petit tour au marché en cyclo-pousse et nous voilà à bord de nouveau.

Le paysage change radicalement par rapport au Vietnam. A la place des bateaux et des bacs remplis de sable, de fruits, de riz et de toutes les denrées possibles ainsi que les élevages de poissons et les usines, nous avons un fleuve tout tranquille et sans trafic. Le paysage reste très sauvage et peu de villages ponctuent la nappe verdoyante des berges. On commence à voir d’ici et là l’a silhouette des Th’nots, un des symboles du Cambodge, ces palmiers dont le tronc est bien droit et haut d’une bonne dizaine de mètres et le feuillage forme une boule toute ronde en haut, tel un pissenlit géant. Puis arrivent les ombres menaçantes des grands buildings au bord de l’eau sur l’horizon pourpre du soleil couchant. Ce n’est pas encore Hongkong, mais la capitale cambodgienne a beaucoup changé depuis mon dernier voyage il y a une dizaine d’année. Bienvenue à Phnompenh. La soirée va être tranquille pour les préparations du départ.