Ce récit a été écrit pendant mon troisième voyage au Japon.
Novembre 2003
Une amie m’a dit que le Japon était un pays de contrastes. Contraste entre une tradition que l’on garde jalousement et une soif de mode de vie nouveau. Entre les régions à l’urbanisme anarchique et les coins où l’on ratisse le gravier chaque matin selon une règle immuable depuis des siècles. Entre une vie urbaine trépidante et la sérénité d’un mode de penser toujours vivace. Un voyage au Japon est donc une balade d’un extrême à l’autre sans qu’on puisse se rendre compte de la frontière.
Il y a deux types de voyageurs qui vont au Japon : ceux qui sont complètement séduits et qui y retournent dès qu’ils peuvent, et d’autres que le pays intimide, déjà pour y faire le premier voyage, et qui renoncent à y retourner. Je commence peu à peu, en terme du troisième périple, à comprendre un peu le pourquoi…
La première capitale du Japon étant Osaka (où il ne reste plus beaucoup de vestiges), puis Nara, et Kyoto, et bien entendu, arriva Tokyo pour la rester encore. La sympathique rivalité entre les habitants de la Capitale du Nord et l’ancienne Capitale dans le Sud n’épargne pas les Japonais : ceux de Kyoto s’enorgueillint de leur tradition et leur temples, or les tokyoïtes sont fiers de sa richesse économique, de son futurisme, de la diversité de leur région.
Le bouddhisme Mahayana (le Grand Véhicule) a été introduit en 562 par un empereur shintoïste. Tous les japonais vous le diront, le bouddhisme est plutôt une façon de vivre qu’une religion, ce qui résulte la double identité religieuse de tous japonais, ils sont à la fois shintoïstes et bouddhistes. Le rituel de purification d’un enfant est fait par un prêtre shintoïste, le mariage au temple bouddhique (et, beaucoup, maintenant, se font à l’église catholique sans que les mariés soient nécessairement chrétiens), les obsèques sont célébrés aux temples bouddhiques par des bonzes, car les cimetières se trouvent dans les temples bouddhiques. Il y a bien entendu des cimetières laïcs.
TOKYO, premier voyage en Février 1999.
Arrivée à Tokyo, aéroport de Haneda. Les compagnies taïwanaises sont les seules compagnies internationales à atterrir encore à cet aéroport, devenu domestique depuis la mise en service de Narita. Douaniers quelques peu tatillons, surtout pour les produits frais (mais si l’on savait qu’une moindre courgette ou un concombre nain coûte 3 €, il y a de quoi pour ramener avec soi, après un voyage à l’étranger, une petite provision). Cependant, le service de quarantaine est là, rigide et immuable, qui vérifie tous les paquets un par un, même ceux d’une vieille dame, remplis d’herbes aromatiques, ceux d’une autre avec ses bottes de choux verts, emballés dans du plastique et des barquettes comme des produits scientifiques… Les formalités d’immigration sont un peu longues. Pendant ce temps, deux porteurs en gants blancs descendent les valises sur les côtés, dans le bon sens du port…
La matinée est belle et ensoleillée. Après un thé vert bien corsé, j’alterne entre une ambiance zen dans ce carré de jardin du temple Jojogi au pied de la tour de Tokyo et l’autoroute urbaine qui gronde de toutes ses forces pour rivaliser avec le bruit des marteaux piqueurs du chantier des gratte-ciels étincelants au bord de la Sumida.
LE KANSAI, UN PEU PLUS LOIN
La balade dans le sud de Kyoto laisse découvrir quelques temples et sanctuaires magnifiques qui ne sont pas toujours mis en valeur dans les guides, comme cette promenade dans la colline surplombant la ville avec quelques quarante mille torii (porte délimitant l’entrée d’un sanctuaire shintoïste) disséminées dans la forêt dense. Époustouflant, tout simplement. Ou encore la balade à Uji, entre Kyoto et Nara, la ville où la fin des « Dits du Genji » a eu lieu, était un pur moment de plaisir. On a pris un thé en assistant à la cérémonie, on a aussi essayé de moudre le thé dans une maison où ils sont tous fiers de nous montrer cet art japonais, le chanoyu, aussi bien que le pin cinq centenaire superbement dressé dans leur jardin zen. Et la beauté du temple Byodoin………
Et puis, on nous a emmené au mont Koya, bastion du bouddhisme japonais. Une myriade de temples qui accueillent les hôtes (les shukubo), on y va en espérant s’imprégner un peu plus pour avoir une vision de ce monde monastique dans un pays faisant partie d’un des plus modernes de la planète. Les japonais savent faire la part des choses, correctement, voire à perfection. Certains temples ont peu de chambres, le séjour sera plus authentique. Les grands temples possèdent par contre de somptueux jardins zen dans leur enseigne. Repas végétarien le soir superbement présenté, cérémonie du petit matin, une dizaine de temples d’une beauté rare dans un paysage magnifique des montagnes, la montagne qui commence à être dorée par endroit à l’arrivée de l’automne, on a du mal a atterrir sur terre après.
Et pourtant, il a bien fallu, car nous allons découvrir encore un autre art de vie japonais, le onsen. Un art pour le bain ? Oui. A Shirahama, ma chambre de douze tatamis (natte servant de mesure d’habitation) surplombe la mer turquoise. Une grande table basse contenant un service de thé, c’est tout ce qu’il y a comme meuble. La baie vitrée s’ouvre sur une petite espace, celle-ci s’ouvre sur le balcon. Et devant la mer, mon onsen privé. La source chaude (la température avoisine les 70°) jaillit de la terre est capturée et canalisée jusqu’à cette baignoire en pin de chaque chambre, voilà la spécialité de Shirahama qui attirent des japonais de quatre coins du pays. Pour ceux qui préfère avoir plus de convivialité, des onsens publics fait partie intégrante de la vie japonaise (lorsqu’il n’y a pas de source, ce bain chaud public s’appelle Ofuro dans les ryokans). Ces japonais adorent ce moment de détente dans un bain bouillonnant pour bavarder de tout et de rien, hommes entre hommes et femmes entre femmes.
HIROSHIMA ET MIJAJIMA
Le Shinkansen nous a déposé, après plus d’une heure depuis Kyoto, à Hiroshima. Saisissante ambiance devant le mémorial, avant d’embarquer pour Mijajima, le pays du temple flottant et de sa majestueuse Torii. La marée étant basse, nous n’avons pas encore l’impression que le temple flotte, mais la Torii rouge pourpre a déjà les pied dans l’eau. Ponts en arc, monastères cachés dans les collines révélant quelques bijoux de calligraphie, temples sous cerisiers déjà en fleurs fin février (nous sommes beaucoup plus dans le sud), daims broutant tranquillement à côté des touristes, l’eau omniprésente font le portrait de Mijajima, l’un des trois sites les plus beaux du Japon selon les japonais…