Mardi 17 novembre, Paris – Francfort – Tokyo
Départ de Paris à la fin d’automne, aussi la fin de la saison des feuillages au Japon qui constitue une des deux piques de fréquentation de touristes au pays du Soleil levant, les prévisions nous donnent une météo mitigée pour toute la semaine.
Nous prenons un vol non direct avec All Nippon Airways, ANA pour les connaisseurs, depuis Francfort et je me laisse aller pour découvrir les services de la compagnie japonaise que je n’ai pas prise depuis au moins dix ans pour aller à Tokyo. Puisque je me souviens d’une publicité à l’époque, une publicité qui a zoomé sur une discussion entre deux hôtesses de la compagnie : « tu crois qu’ils ont suffisamment de temps pour profiter de tous nos services ? ». Je suis partie avec ANA deux fois dans le passé, par chance, c’était toujours en business, je n’ai pas trop eu l’occasion de comprendre ces phrases puisque de toute façon, en business, tout doit être parfait, non?
L’avion de Francfort – Haneda est un Boeing 777 – 300 à quatre classes: la première, que je n’ai pas vu, la business et le premium que nous avons traversé pour atteindre la classe économique qui constitue d’un seul carré à l’arrière de l’avion, avec les sièges bien confortables dignes d’une classe supérieure.
Au fur à mesure des deux premières heures de vols, j’ai regardé, profité du moment et de l’observation pour apprécier toutes les nuances du mot service. D’abord, les sièges. La cabine de la classe éco a trois blocs de sièges de 2 – 4 – 3, génial pour l’attribution des sièges selon le type de voyageurs. La surprise est que, au milieu du bloc central de 4 sièges, les passagers ont un espace d’une bonne quinzaine de centimètres qui leur permet de ne pas avoir le coude du voisin dans son plateau pendant les repas. Encore moins la tablette du siège de devant qui lui rentre dans l’estomac, l’espace entre deux rangées est extrêmement confortable. Même pour la personne qui a un siège milieu, il ne doit presque pas déranger celui assis en couloir pour sortir… et ce, en classe économique.
L’avion décolle vers midi. Arrive l’heure de l’apéritif. Seuls les jus de fruits sont servis avec de l’eau. Suivi très rapidement par le repas qui est servi avec une efficacité et d’une gentillesse discrète bien japonaise. J’ai choisi le plat japonais, dont le nom commence par le mot « hamburger ». Il s’agit d’une grande boulette de viande avec une légère sauce et du riz blanc japonais et n’ai pas du tout regretté mon choix. Le plateau vient avec des baguettes et des couverts à l’européenne, une salade russe et tranches de saucisse, des pickles et, ô surprise, une soupe miso, ainsi qu’une coupelle de soba (nouille au sarrasin, ciboulette, wasabi et sauce de soja légère et sucrée) qui me remettent bien à l’ambiance locale de suite avec cette nourriture typiquement japonaise. Quoique, ayant goûté à quelques soba locaux comme spécialités des villages perdus dans les Alpes japonaises, je les aurais préféré un peu plus al dente (là, je fais la difficile).
On m’a servi un excellent vin rouge. Par la suite, un vin blanc moelleux est passé pour le dessert que je n’ai pas pris. A peine qu’on se remette de notre plateau, une hôtesse passe avec un panier qui est en réalité un sac thermo : ice cream à la fraise pour tous. Puis, tour à tour, elles sont passées pour suggérer le thé vert japonais, le café, le thé noir, le vin blanc liquoreux, et les thés, et le café… tout cela en classe économique, à un prix à peine plus élevé et avec un vol non stop de Paris, de Londres ou de Francfort. Ah j’ai oublié. Il y a quelques hôtesses et stewards européens qui ont pris le gestuel japonais dans la vidéo de sécurité avant le décollage. En les voyant, je me demande pourquoi pour un pays aussi speed, aussi efficace, un économie connue pour ses concurrences à outrance peuvent-ils encore et toujours dominer avec leur gestuel « zen » qui calme tout et qui se révèle même quand c’est appris et fait par les étrangers ? C’est inexplicable pour moi mais c’est le Japon que j’aime, c’est le Japon où je dois retourner chaque année si je peux, pour me faire une cure d’ambiance, d’odeur, de sentiment de sécurité et d’une société qui inspire défi et confiance.
« Crois tu qu’en dix heures de vols, ils ont le temps pour profiter de nos services » ? Je vais fermer un peu les yeux, le vol est encore long, il nous reste encore 8 heures à parcourir.
Mercredi 18 novembre, Tokyo – Hiroshima – Tomo no Ura – Fukuyama
Tomo no Ura, en bord de la mer Seto
Notre voyage dans la région de Chugoku, située au sud ouest du Japon, commence ici. Après avoir visité le Koraku-en, un des trois plus beaux jardins du Japon à Okayama, le touriste qui aime sortir des sentiers battus s’attardera ses pas ici, sur les rives de la Mer Intérieure, pour se perdre un peu dans ses ruelles où la vie semble s’arrêter il y a cent ans.
Le Japon est bien un pays où l’industrialisation est poussée à outrance, au gré de chaque voyage je découvre encore et toujours des anciens petits villages (ou villes) qui semblent sortir du 19e siècle et que les Japonais conservent tout ce qui peut être encore authentique, Tomo no Ura ou encore Onomichi en font partie. Tomo no Ura est, ou plutôt était un ancien port de pêche où l’on trouve le phare sous forme de lanterne en pierre le plus ancien du Japon, figé sur le bord de la mer intérieure, Seto. La spécialité ici était la daurade, mais la pêche se décline, les ressources se font rares, on ne trouve plus des poissons en bande, même les maquereaux ne peuplent plus ses eaux. De ce passé glorieux, il ne reste que quelques ateliers de saumurage et de séchage de poisson avec méthode traditionnelle. Pour agrémenter le riz, les Japonais ont mille et une façons pour varier le plaisir du palais sans se recourir à une matière première chère et rare. On compte alors dans les accompagnements du riz les tsukemono (petits légumes saumurés), les furikake (poudre de tous les goûts, souvent poissons ou fruits de mer séchés, mélangés souvent avec les bouts d’algues), les poissons saumurés, les algues séchées ou macérées de toutes les formes, voire les fruits salés et séchés comme ces ume, prunes qui ressemblent plutôt à nos amandes. Mais revenons donc à Tomo No Ura. La ville ouvre donc ses portes aux voyageurs. On balade dans la toute petite vieille ville pour dégoter la meilleure photo d’une composition florale sur des terrasses minuscules au gré des détours, on peut même prendre un bateau qui part sillonner les îles et îlots verdoyant devant la petite ville si l’on a du temps. Le temps est mitigé, après avoir pris un thé à Ochi Kochi dans un de plus beau ryokan de la ville avec vue sur la mer, on part sur Fukuyama.
Ce soir, nous avons choisi un dîner dans un izakaya. Un izakaya est un mélange entre restaurant, brasserie et cave à bières et saké et autres umeshu (liqueur de prune), ainsi que différents types de cocktails plutôt exotiques. On commande surtout à boire, et un large choix de plats est proposé pour l’accompagnement. Au menu ce soir, en guise de dégustation, nous avons demandé des brochettes de poulet à la sauce de prune. Les morceaux de poulet, mi-cuit et extra tendres sont emballés dans les feuilles de shiso (tia to en vietnamien), cette herbe à large feuille en forme de cœur dont un côté vert et l’autre violette est très utilisée dans la cuisine japonaise, qui n’emploie pas énormément d’herbes aromatiques. Puis une autre brochette de poulet haché au goût inimitable, avant de passer aux sashimi de poissons d’une fraîcheur exquise : daurade, maquereaux mi-cuit, sardine et le pejerrey, ce poisson dont le nom ici est en espagnol car je ne connais pas ni son nom en japonais ni en français, ni en anglais. Souvenez-vous, ce fameux petit poisson longiligne d’une quinzaine de centimètres et dont la chair est transparente au dos argenté avec lequel on faisait les meilleurs ceviche du monde sur les côtes péruviennes, recette racontée dans notre roadtrip sud-américain. Ici il nous a été servi en sashimi avec les petites arêtes et c’est tout aussi bon en version japonaise.
Jeudi 19 novembre 2015, Fukuyama – Tottori – Musée d’Art d’Adachi – Matsue
Aurore rose violette se lève sur Fukuyama, promettant une journée plus clémente que la pluie battante d’hier après-midi pendant toute la durée de la visite de Tomo No Ura.
Route pour Tottori ce matin. Le chauffeur et le guide nous ont fait preuve d’une souplesse, extraordinaire pour les Japonais, pour troquer Onomichi que je connais déjà contre ces dunes de sables uniques au Japon, situé sur la côte de la Mer du Japon, avant d’atterrir au Musée privé de Adachi. Ce fameux musée est entouré, comme seuls les Japonais savent faire peut être, par un magnifique jardin qui n’est d’autre qu’un des huit plus beaux jardins du Japon, rien que ça. La collection sublime les œuvres de Yokoyama Taikan qui a travaillé une technique unique exaltant l’accord entre l’encre et les pigments naturels. « Mont Fuji avec le soleil ou avec les pins », « Vue mer sur la péninsule de Izu », « Soir d’automne », « Pêcheurs sur la falaise », « Aurore sur la mer (verte) », « Grosses vagues de printemps », « Montagne au matin », « Gentiane bleue », « Fin d’automne aux arbres à kaki et l’écureuil », « L’hiver qui tombe aux camélias et aux bambous », « Vagues sous la lune », « Pluie de printemps sur les mimosas »… la pure poésie autour de ces majestueux paravents à fond bleu ciel aux feux des feuilles d’automne.
On a vu depuis ce matin qu’en cette deuxième moitié de novembre, les momiji, feuillage rougeoyant d’érable d’automne ne sont pas encore au rendez-vous dans les montagnes sur la route! Comme chez nous, l’automne est arrivé en retard d’au moins quinze jours sinon plus cette année. Le jardin reste donc à l’heure de fin d’été, les baies vitrées permettent aux visiteurs de contempler, tels les tableaux, au gré de sa découverte du musée en lui-même.
Arrivée à Matsue, ville de la préfecture (équivalent de nos départements) de Shimane, nous nous dépêchons d’aller prendre un onsen (bain thermal) de l’hôtel.
Menu de notre dîner kaiseki à l’hôtel Ichibata, Matsue, Chugoku
Starters ou amuse-gueule : petits poissons au caramel, cubes d’omelette surprise, chair de maquereaux à la sauce de soja noir, crevette rose.
Nabe : bouillon sur réchaud avec alevins, pousse de soja, herbes fraîches, œuf
Sashimi : aujourd’hui, c’est daurade royale et daurade, feuille de shisho, et une assiette de sashimi au fugu (poisson à poison).
Tempura : au fugu
Soba : nouille au sarrasin, servies froide, à l’omelette et aux algues
Kani : demi crabe local (taille entre les étrilles et les tourteaux)
Riz, miso, tsukemono (pickles japonais)
Gelée au lait d’amandes
Ce menu peut-être considéré comme représentatif des repas d’hôtes où l’on veut vous faire goûter aux principales sortes de cuisine japonaise.
Vendredi 20 novembre 2015, Matsue – Tamatsukuri onsen – Izumo taisha – Iwami Ginzan – Hamada
La Préfecture de Shimane s’étire tout en longueur sur la côte de la Mer du Japon et Matsue se trouve un peu au milieu, au bord d’un grand lagon à eau saumâtre qui donne à foisonnement les shijimi, ces petites coquillages noires qui en font la spécialité culinaire de la ville. On les trouve en vente partout et sous toutes les formes: séchées, confites, caramélisés, mi-confites à toutes les sauces pour accompagner le riz ou encore dans la soupe miso… Avec les deux cents mille habitants, la ville est bien agréable à découvrir à pied, du moins sa vieille ville et son superbe château, un des mieux conservés de tout le Japon. Ici pas d’ascenseur ni de point d’information pour visiteurs encore mais un vrai château tout en bois et des objets des seigneurs d’antan, ainsi que les armures qui sont exposés « dans leur jus ». Les colonnes en bois sont en effet ne viennent pas d’un arbre mais montées par plusieurs pièces. On nous a expliqué qu’à l’époque il n’y avait pas assez de grands arbres pour la construction de tous les châteaux, et celui de Matsue devait se contenter avec les colonnes en montage.
On n’a pas eu le temps de visiter aussi le Musée de Matsue qui est très connu, lui préférant la vieille ville et les rues piétonnes et les douves. Les érables commencent à rougir, ici et là on devine la silhouette de quelques cerisiers qui feront un miracle pour les photos du château au printemps. Pour l’instant, on se contente avec les camélias roses fuschia au gré de la balade qui nous mène à la vieille ville où quelques superbes demeures d’anciens samurai, quelques ryokan luxueux et autres salon de thé qui attendent les visiteurs, pour l’instant exclusivement japonais. Ils viennent aussi pour les célèbres onsen situés à une dizaine de kilomètres de la ville dont le Tamatsukuri onsen. Bien entendu, nous avons visité deux ryokans, un au centre ville, petite mais ultra nickel, le Minamikan, et l’autre aux sources à l’extérieure de la ville, le Kasuien Minami, plus populaire mais les bains sont nettement plus jolis.
Le bain
Shimane veut dire la racine, la région est en effet un des berceaux de la civilisation nippone. La visite se poursuit pour le Grand Sanctuaire de Izumo Taisha, un des sanctuaires shinto les plus sacrés du Japon après Ise dans la Préfecture de Mie mais ici, la reconstruction est faite une fois toutes les 60 ans au lieu de 20 ans. Après le grand tori en bois non peint, une grande belle allée couverte de cyprès nous mène au sanctuaire principal qui se compose de plusieurs bâtiments. Il y a du monde aujourd’hui car demain c’est le jour où toutes les divinités shinto, kami (esprits), de tout le Japon viennent au sanctuaire pour leur rassemblement annuel et on organisera une grande cérémonie dans la soirée avec processions de lanternes, de tambour etc. La corde en paille devant chaque autel pèse plusieurs tonnes, nous montra notre chauffeur non pas sans fierté. Originaire de la région, il était tout content de nous expliquer chaque détail du sanctuaire ainsi que la façon de faire une prière ou encore la procédure de purification avant d’entrer (avec traduction par notre guide, tout de même, il n’existe pas de chauffeur guide au Japon).
On est parti d’Izumo le cœur lourd, car impossible de changer le programme pour attendre la procession de Izumo Taisha. Elle a lieu tous les 21 novembre de chaque année. A noter au passage que les Japonais ne suivent plus le calendrier lunaire depuis longtemps, mais ont opté le calendrier solaire, le nôtre, pour rythmer l’année même pour les fêtes traditionnelles ou religieuses.
Après une rapide pause de déjeuner composé de hamburger à la japonaise avec bœuf de Kobe et sauce soyu et de galettes bretonnes (une complète, si si), nous repartons vers l’ouest en longeant la côte. En cette fin de novembre, la nuit tombe tôt mais nous devons encore visiter un site avant d’arriver à Hamada. Il s’agit de l’ancienne mine d’argent d’Iwami Ginzan, classée à l’Unesco et située au flanc de montagne, accessible uniquement à pied ou à vélo. Il commence à pleuvoir à grosses gouttes mais le loueur de vélo électrique nous a aussi donné les imperméables jetables et nous voilà en selle. La visite de la mine d’argent n’est pas très photogénique, mais on a appris surtout que les mineurs ont été très bien payés et que ce sont des fils de paysans, souvent le cadet, qui venaient travailler là pour nourrir toute la famille. La plupart ne dépassaient pas les trente ans d’espérance de vie mais la famille est sauvée. On revient à la route principale en vélo dans la pénombre. Arrivée à Hamada, il fait nuit. On se dépêche pour aller au spectacle de kagura.
Il en existe plusieurs types au Japon et c’est la deuxième fois que j’assiste à ce spectacle toujours à l’Ouest du Japon (préfectures de Hiroshima et de Shimane). A lire ce document https://fr.wikipedia.org/wiki/Kagura, ou encore https://nostalasie.wordpress.com/voyage-japon/actualites-et-nouveautes-au-japon-2/voyage-au-japon-kagura/. Je n’ai pas trouvé tout à fait ces descriptions notamment lors du spectacle que nous avons eu à Hamada, dans le kagura de Iwami. Le spectacle de ce soir rappelle plutôt un théâtre populaire d’antan, genre de troupes familiales qui baladaient de village en village et qui produisaient dans les temples. Avec à peine 7 acteurs et 3 musiciens (un joue au tambour et aux timbales, l’autre à une sorte de trompette, et le troisième au chant), la petite troupe qui sait tenir le spectateur haletant et divertissant pendant une bonne heure… On commence par une introduction par un personnage qui me rappelle le Têu dans le théâtre de chèo au Vietnam. Un personnage un peu hilarant qui anime l’avant-scène avec l’autodérision et chorégraphie ridiculisant pour faire rire à tous. La pièce principale, avec personnages masqués et richement habillés, raconte l’histoire d’un couple de paysan et leur petite fille qui ont été attaqués par quatre immenses dragons et qui ont été sauvés par un héros au masque blanc et la barbe noire, et un beau happy end qui se doit. La troupe de ce soir s’appelle Yumami Kago et il y a une cinquantaine d’associations à Iwami qui font revivre cet art populaire. D’ailleurs on peut tout à fait demander un spectacle privé à un coût plutôt dérisoire pour le Japon, environ 20000 JPY (environ 180€) le spectacle, car ces associations considèrent que ces traditions sont à être conservées.
Samedi 21 novembre, Hamada – Tsuwano – Hagi (Yamaguchi)
Le temps presse, on passe rapidement par Tsuwano, dernière ville de la préfecture de Shimane pour y visiter le Taikodani Inari Jinja, un des cinq grands temples Inari du Japon (dont l’un est situé au sud de Kyoto avec le fameux escalier surmonté de centaines de torii – porte en rouge vermillon à l’entrée des sanctuaires shinto – en enfilade), avant d’attaquer la visite de Tsuwano.
Le vieux quartier de Tsuwano reste encore très typique avec anciennes maisons, boutiques traditionnelles et il n’est pas possible de louper une fabrique de saké, il s’agit de toutes petites maisons de saké à l’ancienne et non pas ces grandes caves à plusieurs milliers d’hectolitres par an que j’ai visité aux alentours de Kobe par exemple. A 11h du matin, chacun a le droit à un petit verre de saké non coupé (donc très fort) avec les tsukemono, pickle japonais, maison faits avec le sel mélangé à la lie du saké et vieillis de 3 ans. Et en fait, comment on fabrique le saké ?
Recette du saké
Tremper le riz gluant pendant au moins 24h. Egoutter. Faire cuire à la vapeur ou à étuvé. Saupoudrer par couche une levure (appelé koji au Japon et men au Vietnam) qui est en fait des spores d’un type de champignon spécifique. Rajouter une autre levure, laisser pendant trois semaines pour obtenir la lie du saké. Presser, puis prendre le jus, pasteuriser et couper avec l’eau. Enfin c’est le résumé, pour la recette complète adressez-vous à une cave de saké lors de votre prochain voyage au Japon, ou, en attendant, quelques détails ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sak%C3%A9
Une autre grande spécialité de Tsuwano est la carpe. Des rigoles qui sillonnent la ville sont remplies de carpes multicolores pour se souvenir du temps ancien où, venant des cours d’eau qui entourent la ville, elles constituaient une source d’alimentation importante pour la population notamment en hiver. La balade est bien agréable dans cette petite bourgade où les maisons anciennes sont très bien conservées et on attardait nos pas à la petite église catholique où une exposition qui relate tout un pan de l’histoire de l’évangélisation au Japon et l’histoire douloureuse que traversaient les chrétiens de l’archipel au fil de l’histoire. Puis nous arrivons à Hagi, de la préfecture de Yamaguchi. C’est dans cette préfecture qu’on peut trouver les traces de Saint François Xavier. Il ne faut pas oublier qu’on n’est pas très loin de Kyushu où foisonnent encore plusieurs églises évangéliques à Nagasaki ou à Fukuoka.
Le point d’orgue de la visite de Hagi est le superbe temple de Tokoji, construit en 1691, appartenant à l’école de Bouddhisme zen de Obaku. On y apprend surtout qu’il existe 13 branches du Bouddhisme au Japon et trois écoles de zen qui sont rinzai, soto et obaku (enfin j’ai essayé de noter ce que Nicolas, notre superbe guide, nous raconte). Il nous raconte aussi que le Bouddhisme à l’époque était très près des Seigneurs et lorsque le shogunat déclinait, le Bouddhisme aussi. Hormis les élégants bâtiments en bois massif, on y contemple surtout le site à l’arrière où se trouvent les tombes du clan féodal des Mori avec plus de cinq cent lanternes en pierre offertes par des vassaux, le tout dans un écrin de verdure composé de plusieurs cèdres centenaires, un peu comme l’allée menant à Okuno-in sur le Mont Koya.
Puis on peut attarder nos pas dans une des boutiques de céramique de Hagi, célèbre dans tout le Japon. Notre nuit sera au Grand hôtel de Hagi, un hôtel – ryokan très populaire auprès des Japonai avec un superbe bain public où l’on est les seuls étrangers et c’est génial!
Dimanche 22 novembre, Hagi – Akiyoshidai – Shimonoseki
Nous montons sur le plateau d’Akiyoshidai où un micro climat donne une végétation très spécifique, on dirait qu’on est à plus de 1500 mètres d’altitude or il en est rien, c’est à peine à 500 mètres au dessus de la mer. La plus grande surprise n’est pas sur le plateau, mais dans ses entrailles. On y découvre, entre autres curiosités souterraines, le Hyakumaizara (cent sauciers) qui nous rappelle indubitablement le Pamukkale (château de coton) en Turquie.
Arrivée à Shimonoseki, THE fugu town. Shimonoseki est le plus grand port de fugu du Japon, et, par élimination, du monde. Pour ceux qui ne connaissent pas, fugu est le nom du poisson venimeux et mortel qui, s’il est bien préparé par des sushi men certifiés est un des mets les plus recherchés des amateurs de poisson cru au Japon. Ici on voit les fugu partout, en photo, en mascotte, en statue, en soupe, en beignet, en sashimi bien sur, en crackers, en chocolat et en glace (si si !). A midi, le marché du poisson Karato Ichiba bat son plein, aujourd’hui on est dimanche! Des milliers de personnes qui se bousculent, ce qui est très rare au Japon, devant une centaine d’étales qui servent des sushis à la demande et je n’ai jamais vu autant de variétés de sushi en même temps. A nous trois, on a dans nos assiettes des sushi au thon rouge, au thon gras, au thon mi-cuit, au saumon sauvage cru et au saumon légèrement grillé, aux pinces de crabe, aux crevettes cuites et crevettes crues, à l’anguille, aux œufs de poisson, au calamar, aux sardines, aux Saint Jacques, à la crème d’oursin… On a environ une dizaine de pièces par personne pour la modique somme de 1500 JPY par l’assiette (env. 12 €…). Le fugu n’est servi qu’en sashimi, au prix de 800 JPY (env. 6 €) pour une petite assiette de dégustation. Nous n’avons pas pu tout tester, puisque sur l’étale on voit encore des sushi aux ormeaux (abalone) et aux autres coquillages Shimonoseki est incontestablement le meilleur endroit au Japon pour les amateurs de poissons crus. On y trouve aussi toutes sortes de poissons séchés, saumurés, macérés, fermentés etc. dont le shiokara : entrailles de seiche saumurées dont raffolent les Japonais au petit-déjeuner.
Fugu
ou encore, en mascotte de la ville
Maquereaux saumurés et crème d’oursin
Unagi (anguille). D’autres versions: civelles ou congre.
Escargot de mer, noix de Saint Jacques, tentacules de calamar
Lundi 23 novembre, Shimonoseki – Tokyo
L’autre côté: île de Kyushu
Réveil tôt, vue sur le détroit de Kanmon où les gros paquebots font leur ballet, avec l’île de Kyushu juste en face. Je descends prendre mon petit déjeuner qui devrait être le plus fin de tout ce petit périple. Hormis les plats classiques que sont le riz servi avec du poisson grillé ou encore autres bacons et œufs brouillés, nous avons eu le droit à un bouillon de miso au fugu et un risotto aux fruits de mer, un vrai délice. J’ai aussi goûté aux tomates fraîches (je n’aime pas d’habitude), et m’en suis resservie ! Car j’ai rarement connu de si bonnes tomates. Il ne s’agit pas d’un hôtel de luxe, loin de là, ce petit-déjeuner est servi dans un hôtel normal 3*, un business hôtel qu’on voit fleurir autour de la station d’arrivée de shinkansen, le TGV japonais. Comme quoi on est toujours surpris à tout moment pendant un voyage au Japon, ce n’est jamais ce qu’on attend qui arrive.
Ce matin, nous prenons le Nozomi super-expess qui traverse le Japon du nord au sud en moins de 5 heures. Nous avons acheté notre bento, repas pique-nique à la station avant de nous embarquer, quoiqu’il en existe aussi dans le train: une fois toutes les demi-heures environ une dame passe avec son caddie rempli et nous propose thé, café, bento, gâteaux etc. Pour cette dernière soirée à Tokyo, j’ai suggéré à tout le monde de prendre notre dernier bain à Oedo onsen Monogatari sur Odaiba et ce fut superbe. Sauf qu’on a vu deux étrangères qui cachaient leur tatouage par une serviette et une paire de chaussette pour rentrer dans le bain malgré les panneaux d’interdiction en anglais et illustration à l’appui. On sentait une gêne, voire une honte devant cette minorité de voyageurs qui ne respectent pas la population locale et qui se comportent mal.
Mardi 24 novembre, Tokyo
Ce matin direction Kagurazaka, surnommé la Petite France, pas loin des jardins du Palais Impérial pour y arpenter les chouettes rues pentues de cet ancien quartier de geisha qui sont ponctuées de restaurants français et européens. On décide de faire un déjeuner rapide de ramen, soupe de nouilles d’origine chinoise. Le petit restaurant à devanture minuscule n’est pas encore plébiscité à cette heure mais ça n’allait pas durer longtemps. Un automate qui fait office de caisse poste devant, tu sélectionnes ton type de ramen et tu paies. Puis tu rentres dans le restaurant proprement dit pas plus grand qu’une vingtaine de mètres carrés, tu t’installes et une serveuse est venue à ta table pour te demander, oh surprise, tes choix pour agrémenter le ramen que tu croyais être uniforme en le commandant. Les gyoza, raviolis, d’abord, en guise d’entrée, à l’ail ou aux crevettes, à la vapeur ou grillé. Puis pour les ramen, on peut les avoir adente ou fondant, le bouillon peut être clair, relevé ou profond, et pour la garniture… c’est un peu comme des pizzas ou des crêpes, à votre envie. Bon appétit.
Dernière balade dans la capitale nippone dans un des quartiers que j’aime le plus: Ginza et le théâtre kabuki (pour les touristes), le marché de poissons de Tsukiji et le jardin de Hama Rikyu. Une petite gorgée de matcha, thé vert japonais, servi avec un gâteau d’automne, on reste silencieux devant cet petit étang où se reflètent et les azalées en avance, et les pins en bonzaï, et les buildings de Ginza. C’est ainsi va le Japon, entre la tradition et la modernité, entre le passé et le futur, entre hier et demain. C’est ainsi que tout voyageur amoureux du Japon se doit y revenir pour un énième voyage sans se lasser! J’aime le Japon, j’adore y retourner et j’y retournerai.