RAPPORT DE MISSION JUILLET 2013
Récit d’un voyage sur-mesure au Kirghizstan en Juillet 2013 entre ciel et montagne, chez les nomades kirghiz, par Ylinh, chef de produits de NostalAsie.
Des montagnes, des glaciers, une source d’eau infinie pour ce pays qui ne possède pas d’autres richesses que la fertilité de ses terres. Cette « folle rivière » tire son nom de son cours tumultueux à la fonte des neiges.
Les montagnes entourant le lac Issik-Kul montrent déjà la variété de leur composition minérale par un spectacle multicolore qu’on découvrira au fil des jours pour attendre son apogée sur la route de la frontière Torugarh – Kashgar et Kashgar – Irkestam. 90% du territoire sont traversés par la chaîne de Tienshan, la montagne céleste, qui continue sur le Xinjiang, en Chine.
Avec une superficie de la moitié de la France mais seulement 5 millions d’habitants, le Kirghizstan s’ouvre devant nous comme un livre vierge. C’est ici que le voyageur est obligé de rassembler son bagage de vocabulaire de globe trotteur pour lire et déchiffrer ce pays si peu connu, car c’est ici qu’on voit des sites naturels d’une beauté de premier ordre.
Je n’avais pas bien préparé mon voyage, une partie est due à défaut de documents et de guides fiables en France. La lecture de ce livre ouvert pendant le voyage me plonge dans un passé mélangé entre présence russe, les plats, les plantations, les parcs. Bishkek a été longtemps nommé Frunze. Là aussi, une raison qui me faisait perdre mes repères. Mais oui, bien sur que j’ai déjà entendu parler de Frunze ! Je le connaissais même de nom depuis mon enfance. Car Frunze, capitale de la République Kirghize, était célèbre. C’était le pays des montagnes et des chevaux, c’était le pays des pics Komsomolsk, Lénine, ou encore Pabieda (victoire) et du glacier Inilchek. Et depuis vingt ans, je n’ai pas lié Bishkek à Frunze, simple manque d’information. Tout s’éclaircit alors de cette première balade dans la ville sur cette verdoyante avenue de Frunze et dans ses parcs.
L’arrivée à l’aéroport de Manas est souvent en pleine nuit, nous n’avons que quatre heures de décalage en été. La route d’une trentaine de kilomètres qui sépare l’aéroport de la capitale est bordée de peupliers argentés. Viktor, notre chauffeur russe, nous dit qu’avec Alma Ata (Amalty) et Kiev, la capitale kirghize était une des trois villes la plus vertes de toute l’Union soviétique, confirmation vérifiée dès la première visite de la ville et continue tout au long du voyage ! La vallée de Chuy, la vallée de Naryn, la vallée de Ferghana sont toutes les trois cultivées jusqu’au dernier lopin de terre. Jusqu’à 3600 mètres d’altitude au camp de base du pic Lénine, tous les flancs de montagnes sont verts et tapissés de fleurs en ce début de Juillet. Ce qui fait d’ailleurs le charme d’une sensation de douceur des sommets au Kirghizstan, à la différence des montagnes minérales du côté de Xinjiang, et pourtant les deux côtés appartiennent à la chaîne de Tien-shan.
Viktor est né au Kirghizstan de parents russes comme beaucoup d’autres Russes qui faisaient partie de la moitié de la population kirghize avant 1991, l’année d’indépendance. Beaucoup sont partis, mais Viktor reste et garde la nationalité kirghize lorsqu’un choix lui est proposé. Il reste environ 15% de la population de Russes qui vivent toujours ici à Frunze, pardon, à Bishkek. La nature kirghize lui manquerait s’il partait vivre en Russie. Pendant l’hiver, comme il ne travaille pas beaucoup, il a du temps pour faire beaucoup de ski dans les quelques stations qui étaient des plus belles stations de sports d’hiver de l’ex-Union soviétique même s’il n’en reste plus beaucoup faute de moyens d’entretien. Les familles riches de la Russie et de l’Asie Centrale viennent moins, ils vont à Gstaad ou à Courchevel désormais. Le peu de stations qui restent proposent des tarifs très chers, beaucoup trop chers pour un salaire kirghiz. Viktor peut y aller car il ne paie pas les remontées mécaniques et ne dépense que très peu pour le logement. A défaut des stations, l’héli-ski se développe, même en été. On dépose les skieurs sur les sommets avoisinant 6000-7000 mètres avec les MI-8 russes. Ce sont les appareils les plus adaptés pour opérer à très haute altitude, et ce sont des meilleurs pilotes d’hélicoptères du monde, nous rassure Viktor. Au printemps, entre les missions, il s’adonne au plaisir de la pêche dans l’eau vivace de la fonte des neiges et rivières, entre lacs de couleur turquoise et sommets enneigés, baignés dans la lumière du printemps et la floraison d’abricotiers. L’été, toutes les routes et cols sont ouverts, la saison touristique arrive, il promène des voyageurs par monts et par vaux, contourner plusieurs fois par semaine Issik Kul, le 2e lac alpin le plus grand du monde jamais gelé car l’eau est salée, ou braver les pistes et les cols vertigineux pour les emmener chez les nomades, kirghizes de souche sur les bords du lac Song Kul, à 3800 mètres d’altitude. Ca lui arrive d’aller faire un saut au bazar de Bishkek, manger sur le pouce un samsa, version kirghize des chaussons à la viande cuits sur les parois d’un four à pain traditionnel. Il y trouve les fruits secs, les épices pour son shasliks (brochettes de viande), les fruits et légumes d’été à profusion, du riz et de la farine qu’il achète en quantité car le prix deviendra plus cher à l’approche d’hiver, chaussures et vêtements, matériels électroniques et téléphones portables s’il le veut. Mais la plupart de ses courses, il le fait en route le jour de retour de chaque circuit des clients : des fraises, des abricots, des cerises, du fromage secs, des légumes de toutes sortes sont proposés le long de la route, chaque tronçon traversant un village propose la spécialité locale. Il emmène les fruits par seau à la maison afin que sa femme fasse de la confiture, des sacs de choux de 20 kilo pour faire la choucroute ou encore des tomates en bocaux, le tout pour l’hiver. Pour lui, ses spécialités sont les poissons qu’il sale et sèche après chaque pêche, et le vin aux mûres à l’automne. Dans sa longue vie professionnelle, il a été télétypiste, fonctionnaire, chef d’entreprise familiale, agent de sécurité, métallurgiste…, et maintenant chauffeur guide pour notre correspondant à Bishkek. Il a vécu des années à Saint Pétersbourg, est allé partout, enfin pas partout mais au moins travailler en Antarctique.
Cet après-midi, on est passé dans un troupeau de moutons et de chevaux qui entoure trois yourtes en feutre. Des enfants aux joues rouges et rondes battues par le vent jouent devant. J’ai demandé si l’on peut s’arrêter. Mais bien sur, on a descendu de notre superbe 4*4 (le seul véhicule valable dès qu’on sorte de la capitale, car les routes montent et descendent tout le temps, beaucoup ne sont pas toujours en parfait état…). Nous rentrons donc dans la yourte, il y en a 2 presque en côte à côte, habitées par trois familles. Dans celle qui nous accueille vivent les parents plus la famille du petit frère avec femme et trois enfants et la petite sœur, encore célibataire et qui fait ses études à Osh. L’autre yourte est occupée par la famille du grand frère. Ils ont trois cents têtes de bêtes comprenant moutons, chèvres et chevaux qu’ils montent à plus de 2500 mètres d’altitude pour faire profiter des grandes étendues d’herbes d’été à leurs bêtes, puis redescendre à leur village une fois la neige tombée. Nous voilà nous installer sur les tapis à même le sol, à côté de la mamie qui est en train de tirer la laine avec sa belle fille, un bébé qui dormait, copie conforme du garçon qui était en train de jouer dehors quand nous sommes arrivés. En moins de deux, ils ont dressée une « table » sur un autre tapis, toujours par terre,du pain, du fromage, du beurre, de la confiture d’abricots et de mûres, et le kumiss, lait de cheval fermenté et légèrement alcoolisé. Les discussions sont parties en russe, en anglais avec notre chauffeur qui traduit un peu, en kirghiz et en langage gestuel universel. C’est ainsi qu’on balade en terre kirghize, au cœur de la vie nomade.
Le temps des soviets est encore très présent dans la capitale : fontaines, musées, statues de Lénine, monument de la Mémoire, boutique de Shoro et de Kvas, la poste centrale, le Tsoum… ; sans parler de l’écriture cyrillique et le parlé russe présent comme langue officielle de cette jeune république. Mais ces rappels s’arrêtent lorsqu’on quitte la capitale…
La halte au lac Issik Kul ne m’a pas laissé un souvenir impérissable, malgré les idées et les images connues avant de venir, sauf la couleur bleue turquoise de son eau et les champs d’abricots sur ses rives. Après la traversée de la vallée de Chuy, avec Ferghana, l’une des deux vallées les plus fertiles du pays, nous apercevons les premiers mirages bleus foncés sur toile de fond des montagnes enneigés de la rive sud. Toutefois, j’ai une préférence pour le lac Titicaca, côté bolivien, car la chaîne de montagne est beaucoup plus proche de la rive, au point de s’y refléter. Les rives d’Issik Kul ne sont plus très sauvages comme j’aimais, surtout dans ces superbes hôtels – résidences luxueuses ambiance de club à la russe moderne sur Cholpon Ata, à la rive nord. Je préfère nettement la rive sud, surtout la ville un peu désuète de Karakol (cher lecteur, vous avez raison, c’est moi qui avais la tête dans les nuages et la carte à l’envers, merci beaucoup pour la remarque. Mais bien sur qu’il s’agit de Karakol) qui garde tout le charme de la Russie comme on aime il y a plus de cent ans. Karakol s’est abritée entre le lac et le début de la chaîne montagneuse qui emmène au pic Komsomolk. Il est vraiment très agréable de balader dans ses rues calmes voire désertes même en plein été, parmi ses maisons basses aux volets bleus ou verts, ses peupliers et ses saules pleureurs qui prennent le teint doré dès l’arrivée de l’automne, son église orthodoxe étincelante et surtout sa pagode-mosquée en bois peint. Dans ses bistrots, on y sert le shi (soupe au choux), la solianka (soupe aigre douce avec les cornichons saumurés), les piroski (chaussons au fromage ou à la viande) ou encore les zakuski (amuse-gueule russes), le tout arrosé de la vodka…
La suite de ce voyage inoubliable en terre kirghize va être bientôt publiée lorsque mon inspiration revient.