Maculis est probablement la dernière plage à l’est du Salvador, sinon la dernière. C’est un village de pêcheur comme tant qu’on a sur la côte Pacifique du Salvador et du Nicaragua.
Pour venir jusqu’ici, on met un peu plus de trois heures depuis San Salvador. Une distance énorme pour les Salvadoriens car normalement tout déplacement ne doit pas dépasser l’heure ou deux heures d’un point à l’autre de ce petit pays qui ne fait même pas une vingtième de la France (un peu plus de 20 000 km²).
Maculis est située dans une sorte de grande crique peut on dire, car la plage de sable fin, longue de plus de 3 kilomètres, est un peu protégé par les deux bras de rocher, ce qui rend les vagues plus douces. Ce qui est nécessaire ici, sur la côte pacifique, pour les baigneurs car autrement, les plages salvadoriennes sont plutôt réputées pour le surf.
Il est cinq heures de l’après-midi et nous sommes à la fin de la saison verte (ou saison de pluie, ou l’hiver, d’Avril à Octobre). Il n’a pas plu aujourd’hui et il faisait un temps bien agréable: Frais le matin, soleil éclatant et chaleur à midi, et maintenant, à l’approche de la mer, une brise légère se fait ressentir. Le soleil commence à approcher l’horizon, et la baignade a été parfaite. Personne dans les environs, on est vraiment seul face aux vagues et à l’océan, un océan qui nous a envoyé il y a quelques jours les secousses d’un tremblement de terre de plus de 7 Richter, dont l’épicentre était à 40 kilomètres de profondeur et à quelques dizaines de kilomètres des rives. De quoi faire trembler jusqu’à Suchitoto voire à Granada au Nicaragua.
Le soleil commence sa descente rapide envoyant la valse des couleurs magiques. La plage baignée de vague reflète de manière de Photoshop, c’est à dire dans une nuance beaucoup plus soulignée des contrastes et des jeux de lumières. A la vitesse que la vague se retire, la plage est passée de brune, dorée, rouge puis virée au bleu intense, avant qu’une autre s’achève sur le sable avec sa tête blanche. Les franges de cocotiers sont dorées en un temps tellement furtif avant de passer au noir, si furtif qu’on se demandait si ce n’était pas un mirage.
Puis le soleil est complètement disparu, mais l’horizon garde encore longtemps ce teint rougeoyant jusqu’à tard.
Au dîner, nous avons un bar (corvina) de plus d’un kilo cinq, acheté à 3 dollars au port de pêche, simplement au four et arrosé d’un bon verre de blanc argentin. Pas d’internet, sans réseau téléphonique, nous papotons un peu avant d’aller dormir, le seul bruit de fond est le chant des vagues. Cela me rappelle l’île de Malapascua au Philippines, aussi sur le Pacifique, il y a une quinzaine d’années, mais il faut avouer que la maison d’hôtes à Maculis est cent fois plus jolie et plus confortable.
“…Les Salvadoriens et les Honduriens se ressemblent beaucoup, on parle de la même manière, et on est différent par rapport aux Guatémaltèques ou aux Nicaraguayens. Les Ticos (Costa Ricains) sont vraiment à part, et les Panaméens c’est encore plus différents…”.
J., mon hôtes qui s’est dévoué (ou déguisé, comme on veut) comme mon guide et chauffeur deluxe pour ces quelques jours m’explique tout ce qu’il lui passe par la tête. “…Les touristes ne viennent pas trop ici puisqu’ils entendent beaucoup de mauvaise presse sur la violence.
C’est sur, si l’on prend les statistiques, cela semble désespérant et impressionnant, mais en fait, il s’agit des bagarres de bandes – maras – et cela ne concerne pas les touristes. D’ailleurs ils ont leurs quartiers où les touristes n’ont rien à faire. Et tu vois bien comment il est le pays: tout paisible, tout vert notamment en cette saison, tu vois les vaches qui traversent la route, les gens qui cultive la terre, les pêcheurs, les commerçants…, voire des beaux hôtels ou de jolies maisons d’hôtes, tout ce qui est le plus normal de la vie quotidienne de n’importe quel pays…” Et les sites touristiques? “…Il y a Joya de Cerén, le Pompeï de l’Amérique Centrale, il y a les volcans, le Pacifique, les sites Maya encore très peu fréquentés…”.
Mais non, voyons, j’ai envie de lui dire qu’on ne devrait pas imaginer à chaque fois les monuments à visiter pour justifier l’intérêt d’un pays. Car il y a aussi le bienfait d’un voyage normal ou des vacances tranquilles et sans contrainte pour profiter du beau paysage, d’une vie facile pour touristes car le coût reste très accessible, et d’une découverte d’un peuple encore heureux de voir les voyageurs venus d’ailleurs.
Tout cela, on trouve au Salvador!
Peut-on partir du Salvador sans parler des pupusas, le plat typique salvadorien? Si le Mexique s’enorgueillit de ses tacos, chilaquiles ou encore burritos, tous à la base de la tortilla de maïs, et les autres pays de l’Amérique Centrale en font un peu chacun leurs spécialités en la fourrant avec différents ingrédients cuits, la pupusa salvadorienne est un plat populaire complètement à part, même si elles sont faites de farine de maïs dans la plupart des cas. En fait, les salvadoriennes travaillent la farine de maïs en une pâte plus ou moins comme une pâte à pain, y mettent les garnitures (les plus courantes se composent de fromage frais et de purée d’haricots rouges) puis elles font cuire la tortilla à la plancha comme des tortillas normales. On les mange chaudes brûlantes, agrémenté des pickles de toutes sortes et d’une sauce de tomate fraîche piquante. C’est encore plus un délice lorsqu’on s’est arrêté à ce village spécialisé dans les pupuserias de farine de riz où l’on peut déguster jusqu’à 10 sortes de garnitures différentes dans les pupusas géantes.
Ce matin, après une baignade revigorante dans une eau qui fait 24°C du Pacifique, je quitte le Salvador par bateau après un petit déjeuner composé de… devinez?! deux pupusas au marché avant de m’embarquer au port de La Union. Une dizaine d’îles salvadoriennes et une vingtaine d’îles honduriennes parsèment le Golfe de Fonseca qui parcourt les trois pays et qui s’ouvre sur le grand océan. “… Nous sommes rentrés dans les eaux nicaraguayennes…” annonce le jeune capitaine de ma lancha, j’ai été seule avec lui et un matelot en cette basse saison touristique. “… Voici l’île frontière de Fallarones, la seule île nicaraguayenne du Golfe…”. La traversée a durée deux heures. Cela ne m’aurait pas déplu de revenir passer quelques semaines ici sans programme fixe pour profiter vraiment de cette douceur de vie dans ce petit pays tellement peu connu. Un voyage au Salvador n’est pas un circuit culturel dans le sens strict du terme, mais c’est une découverte bien agréable et un pays facile d’accès, pour voyageurs initiés!